Répartition d’actifs

Pimco : la persistance des taux d’intérêt élevés creuse un trou dans les bilans

La plus grande maison de gestion obligataire active au monde avertit que malgré les baisses de taux enregistrées la semaine dernière, les marchés boursiers font preuve d’un optimisme exagéré quand ils estiment que les banques centrales seront en mesure d’éviter une récession. 

Pour Gene Frieda (photo), stratégiste international chez Pimco, la récession a beau être la plus abondamment pronostiquée de tous les temps, elle est inévitable. L’homme qualifie l’optimisme des marchés boursiers de prématuré : « Les marchés sont bien trop prompts à intégrer les diminutions de taux d’intérêt », a-t-il déclaré à Investment Officer.

Baisse des taux d'intérêt

Les prix des contrats à terme sur les fonds fédéraux, reflet de ce que les investisseurs attendent en termes d’évolution des taux d’intérêt, montrent que le marché table sur une hausse de 34 points de base jusqu’au sommet du cycle des relèvements. C’est 10 points de base de plus qu’au début du mois.

Bien que les calculs des investisseurs se rapprochent de la sorte de ceux des tenants d’une politique monétaire stricte que compte la Réserve fédérale américaine, le marché estime exagérées les deux augmentations, sinon plus, prévues par la grande majorité du conseil des gouverneurs de la Fed, selon son dirigeant Jerome Powell.

Les marchés internationaux ont beau avoir reculé à la fin de la semaine dernière, après que des données sur l’emploi meilleures que prévu ont fait planer des inquiétudes sur la suite de la politique de taux, les cours des actions du monde entier sont résolument orientés à la hausse cette année.

L’indice MSCI World a progressé de plus de 12 % et le Nasdaq Composite a même signé son meilleur début d’année depuis quatre décennies.

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Boucles d'or

Les investisseurs en actions espèrent un scénario « à la Boucles d’or », où les taux actuels, majorés de quelques dizaines de points de base, suffiraient à alléger la pression inflationniste sans pour autant brider l’activité économique.

Le marché du travail américain, en particulier, se montre robuste. Le rapport ADP publié la semaine dernière montre qu’en juin, 497 000 emplois ont été créés, pour 225 000 pronostiqués.

Selon le rapport officiel sur l’emploi présenté vendredi, toutefois, seuls 209 000 postes ont été créés le mois dernier, contre 230 000 attendus et 306 000 enregistrés en mai. Si la hausse des salaires horaires ralentit globalement, les salaires du mois de juin n’en ont pas moins augmenté davantage que prévu, avec une hausse de 4,4 % en glissement annuel, là où l‘on attendait 4,2 %.

Même si, comme le tassement des cours des actions à l’échelon mondial l’a prouvé, la situation a entretenu les inquiétudes qui entourent l’évolution des taux d’intérêt, la plupart des actions demeurent surévaluées, estime Gene Frieda.

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Récession

Pour le stratégiste, les investisseurs en actions oublient que la persistance de taux d’intérêt élevés « va creuser un trou dans les bilans des entreprises », aussi solides ces bilans soient-ils actuellement. C’est quand les entreprises vont devoir se refinancer que les problèmes vont surgir, ajoute le spécialiste, qui se dit choqué par l’optimisme américain.

Pour Pimco, il n’est pas inconcevable que l’inflation américaine ne repasse pas sous la barre des 4 % à moyen terme. Les banques centrales n’ayant d’autre choix que de continuer à resserrer leur politique pour contenir la flambée de l’inflation, la récession est inévitable. Selon Gene Frieda, les bénéfices diminuent de 15 % par action environ en période de récession.

« Les marchés boursiers ne réagissent généralement que lorsque la récession est sur le point d’éclater, mais les investisseurs peuvent éviter ce risque. Pour l’instant, la rémunération pour les risques actuellement encourus sur les marchés d’actions est loin d’être suffisante. Nous pensons qu’il est possible d’obtenir de bons rendements à l’avant de la courbe des taux pour les obligations d’État et des obligations d’entreprises de grande qualité », affirme l’expert.

Ce dernier estime toutefois que les notations des entreprises devront être revues à la baisse pour que les actions retrouvent grâce à ses yeux.