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Devant la montée du populisme, Michael Hasenstab quitte l’Europe

Michael Hasenstab, Franklin Templeton

Alors que l’Europe se laisse peu à peu gagner par le populisme, l’Amérique latine coupe justement avec son passé nationaliste agressif. L’américain Michael Hasenstab, l’un des investisseurs obligataires les plus réputés, y voit là un argument de poids plaidant, sur le long terme, pour un abandon du continent européen au profit de destinations plus ensoleillées. Ainsi, son portefeuille mondial est actuellement investi à 40 % en Amérique latine.

« Les pays d’Amérique latine renouent avec des politiques plus conventionnelles. À long terme, le refus des mesures populistes permet d’obtenir des rendements supérieurs à ceux des voies peu conventionnelles que l’Europe choisit d’explorer », explique Michael Hasenstab lors d’un entretien avec Investment Officer. 

Une puissance en déclin

En admirant les façades dorées de la Grand-Place de Bruxelles, qui symbolisaient autrefois la grandeur politique et économique de l’Europe, Michael Hasenstab ne peut s’empêcher de constater que cette puissance est actuellement en déclin. Le scepticisme croissant vis-à-vis de l’Europe et l’hostilité vis-à-vis des immigrants, les atteintes à la liberté de la presse dans des pays tels que la Pologne est là Hongrie et le fossé qui se creuse entre pauvres et riches sont autant de facteurs d’inquiétude pour le plus influent investisseur de Franklin Templeton, qui a décidé de supprimer complètement, sur le long terme, les titres européens de son portefeuille, valorisé à 124 milliards de dollars. 

« La cohésion politique et sociale est un pilier essentiel de l’économie, et elle est actuellement mise à mal en Europe. La croissance de cette économie avancée, qui connaît actuellement une explosion de populisme, devrait être moins dynamique que celle enregistrée dans des économies moins avancées, qui refusent les mesures populistes et sont prêtes à mettre en œuvre les améliorations nécessaires de manière plus conventionnelle. »

L’Argentine sous les feux de la rampe

Le pays qui, selon l’investisseur, offre les perspectives les plus favorables à cet égard est l’Argentine. Alors que des centaines de milliers d’Argentins sont récemment descendus dans les rues pour protester contre le recours au FMI, qui a octroyé à l’État 50 milliards de dollars, Michael Hasenstab continue à soutenir le pays du tango en incluant dans sa stratégie 2,25 milliards de dollars d’emprunts souverains argentins. Il y est donc le plus grand investisseur étranger, et l’Argentine représente 4 % de son portefeuille mondial. Il y a investi pour la première fois en 2016, après l’arrivée du président actuel Mauricio Macri, alors que le pays était la proie des fonds spéculatifs.

« Le président et son équipe sont selon moi les personnes les plus compétentes pour accompagner le pays dans une transition politique indispensable. De nombreux Argentins très qualifiés partagent ce point de vue et ont réintégré l’administration pour participer au projet de M. Macri. Pendant longtemps, les marchés ont accordé au pays des crédits pour pallier tout ce qui n’allait pas. Et il est vrai que l’Argentine a fait des erreurs, mais elle les a aussi corrigées. Ces réactions positives ont justement renforcé ma confiance, et le soutien du FMI y a également contribué. »

L’Indonésie et l’Inde

Mais l’investisseur phare s'intéresse aussi à d’autres pays d’Amérique latine, une région qui représente 40 % du portefeuille (20 % des investissements régionaux concernent le Mexique, 12 % le Brésil et 5 % la Colombie). En outre, les réformes menées en Indonésie et en Inde inspirent confiance, et le Ghana offre aussi de belles opportunités de croissance.

« Sur l’ensemble de la planète, les tensions se multiplient entre les riches et les pauvres, et il manque une classe moyenne. Les infrastructures offrent une solution, puisqu’elles permettent de transporter les biens vers les individus. L'Indonésie l’a bien compris et développe ses réseaux. La prospérité croissante a aussi limité la radicalisation. En Inde, la politique du président Modi a permis de nettes avancées sur le plan économique. Le Ghana fait lui aussi des progrès énormes en matière d’infrastructures, de corruption et sur de nombreuses questions politiques. » Et selon lui, les rendements, de l’ordre de 17 %, rémunèrent de manière adéquate les investisseurs sur le court terme.

Découvrez ici la deuxième partie de l’entretien avec Michael Hasenstab :

Michael Hasenstab : « Une bulle est en train de se former sur le marché de la dette souveraine américaine »