Répartition d’actifs

AllianzGI : 'Le marché IG américain reste attractif'

Selon Anil Katarya, gestionnaire du fonds Allianz US Investment Grade Credit, les titres de dette d’entreprise américains de bonne qualité ont toute leur place dans un portefeuille diversifié. Nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec lui et avons voulu connaître sa position actuelle quant aux marchés de crédit, mais aussi savoir en quoi l’Investment Grade (IG) aux États-Unis était si intéressant.

L’Allianz US Investment Grade Credit est un nouveau fonds, sans en être un. Commençons par une petite explication. L’année dernière, Allianz Global Investors a acquis 24 % de Voya IM, l’ancien ING IM aux États Unis. Depuis lors, AllianzGI a créé de nouveaux fonds qu’elle a placés sous gestion de Voya IM, et le fonds US Investment Grade Credit, créé le 24 avril 2023, fut le premier d’entre eux. Il s’agit d’une copie exacte d’un fonds Goldman Sachs que Voya IM a géré jusqu’en juillet 2023 ; c’est désormais GS elle-même qui en assure la gestion.

Comment avez-vous vu évoluer les marchés de crédit au fil des années ? 
Anil Katarya :
Le marché a profondément changé depuis la grande crise financière, avec la baisse structurelle des taux d’intérêt, une croissance considérable du marché avec des émissions totales se chiffrant non plus en centaines, mais en en milliers de milliards de dollars, une liquidité bien supérieure et une forte augmentation du nombre de nouveaux acteurs. La demande est tout simplement beaucoup plus forte qu’avant et c’est une bonne chose, y compris à l’étranger. Les acteurs étrangers représentent désormais environ 25 % du marché IG américain, soit une part bien plus importante qu’auparavant. L’important différentiel de taux d’intérêt, avec, à beaucoup d’endroits, un taux négatif, a attiré de très nombreux acteurs vers le marché américain.   

L’appétit étranger est-il toujours bien présent ?
Anil Katarya :
C’est un mouvement de flux et reflux qui dépend principalement du différentiel de taux d'intérêt. À présent que la Réserve fédérale semble vouloir faire une pause anticipée, tandis que la BCE s’apprête à un nouveau durcissement, les coûts de couverture ont fortement chuté, augmentant l’attrait du marché IG américain pour les investisseurs européens. Les investisseurs étrangers affluent ainsi en continu sur ce segment de marché. Et, à présent que nous approchons de la fin du cycle des taux d’intérêt avec un taux à court terme aux États-Unis susceptible d’atteindre un pic à 5,5 ou 6 %, cette classe d’actifs va devenir encore plus attrayante. Une partie du marché attend une diminution de la volatilité actuelle des taux d’intérêt pour y faire pleinement son retour. 

Est-ce le bon moment pour faire son entrée sur le marché ? 
Anil Katarya :
Le marché IG américain est l’un des plus liquides qui soient. Le taux de défaut, inférieur à 0,5 %, y est historiquement très faible, cet univers se composant de grandes entreprises blue chip de qualité supérieure. Ce segment de marché a en outre enregistré, depuis 1989, un rendement annuel avoisinant les 6 %, rendement dont nous commençons aujourd’hui à nous approcher. Et bien qu’il soit impossible d’évaluer avec exactitude le timing du marché, nous pouvons néanmoins avancer, au vu de tous ces éléments, que le moment est encore propice. On peut déjà remarquer qu’en dépit des conditions de marché difficiles, les prévisions bénéficiaires des entreprises n’ont été que très légèrement revues à la baisse. Si toutes les entreprises verront leur marge affectée, ce sera particulièrement le cas des petites entreprises à haut rendement, qui ressentiront davantage la hausse des taux d’intérêt.  

Ressentez-vous l'impact du poids des banques centrales sur votre segment de marché ?
Anil Katarya :
Bien sûr, elles ont eu un impact sur l’ensemble du marché de crédit du fait de la liquidité considérable, de l’argent ‘bon marché’ qu’elles ont apporté sur le marché et des réductions continues des taux d’intérêt. Beaucoup d’argent sur les marchés a dû se mettre en quête d’actifs, et ce sont surtout les États-Unis qui en ont profité. Il est indéniable que les banques centrales sont largement à l'origine de ce que nous voyons aujourd'hui. 

Comment gérez-vous votre fonds ?
Anil Katarya :
Notre philosophie d'investissement est assez simple : nous recherchons des émetteurs intéressants par le biais d’une sélection ascendante et n'achetons que des titres de dette d'entreprise IG libellés en USD, à l'exclusion de tout autre type d'obligation ou de crédit. Nous n’avons en outre aucune position sur la duration. 80 à 90 % de la valeur que nous ajoutons à nos fonds provient de la sélection des titres que nous gérons activement, et nous devons en grande part notre succès au fait que nous restions fidèles à notre style ainsi qu’à la cohésion de notre équipe. Tout le monde peut y exprimer ses idées.

Que recherchez-vous dans une entreprise ?
Anil Katarya :
Nous nous intéressons davantage aux flux de trésorerie qu’aux bénéfices. Après tout, nous investissons dans des titres à revenu fixe. Nous cherchons ensuite à connaître les perspectives de l’entreprise ainsi que sa solidité. En résumé, nous nous intéressons aux entreprises reposant sur des bases solides. Nous accordons également une grande importance à la direction. Enfin, nous cherchons à connaît la stabilité des notations de crédit et des flux de trésorerie. Nous nous méfions des entreprises à la direction plutôt agressive en matière d’acquisitions, pas tant pour le risque de défaillance que pour celui d’une notation plus basse, synonyme de spreads plus importants. 

Est-il plus facile, du fait des taux d’intérêt plus élevés, de sélectionner des émissions aujourd'hui que lorsque les taux étaient bas ?
Anil Katarya :
S’il est vrai que les investisseurs sont plus nombreux à s’intéresser aux classes d’actifs lorsque les taux d’intérêt sont plus élevés, cela ne change en réalité pas grand-chose pour nous. Nous cherchons toujours les titres les plus intéressants. Ce qui se produit en revanche lorsque la volatilité est plus élevée, comme plus tôt cette année, c’est une augmentation de la dispersion au sein de l’univers, et cela nous offre davantage d’opportunités, car nous sommes à la fois opportunistes et patients. Nous pouvons patienter pendant très longtemps, en particulier si le risque est insuffisamment rémunéré et que nous ne voyons aucune valeur. Notre position de trésorerie peut alors atteindre 7 à 8 % ; ainsi, nous sommes prêts dès que volatilité repart à la hausse. Le meilleur exemple de cela remonte au début de la pandémie, en mars 2020 ; nous avions alors accumulé 5 à 7 % de liquidités en Treasuries car nous ne trouvions pas le marché suffisamment intéressant. Ainsi, en mars 2020, nous avons pu imposer notre prix pendant une semaine. Après tout, nous sommes des fournisseurs de liquidités qui disposent d’une trésorerie dans les moments difficiles.  

Êtes-vous aujourd’hui en train de reconstituer votre position de trésorerie ? 
Anil Katarya :
Depuis quelques semaines, nous réduisons progressivement nos liquidités et prenons des bénéfices. Nous avions en effet constitué un portefeuille solide en mars, lors de la crise bancaire américaine. Nous prévoyions alors que de nouvelles émissions continuent d’affluer ; toutes les banques n’allaient pas faire faillite. Aujourd’hui, les spreads avoisinent de nouveau les 130 points de base, contre 165 auparavant. Il semble que le marché va plutôt évoluer dans une fourchette étroite pendant un certain temps, et septembre est marqué en rouge sur notre calendrier, car un grand nombre de nouvelles émissions vont alors arriver sur le marché et nous voulons être prêts à acheter. 

Que pensez-vous par ailleurs des (plutôt bons) chiffres macroéconomiques américains ?
Anil Katarya :
Eh bien, l’ensemble du marché s’attendait à une récession qui, en fin de compte, ne s’est toujours pas produite. Le marché du travail américain reste relativement fort, à l’instar du marché immobilier et de la confiance des consommateurs. Ces bons chiffres expliquent en partie la faiblesse des spreads de crédit. L’avenir reste quoi qu’il en soit incertain, et c’est pourquoi, comme nous l’avons déjà dit, nous encaissons quelques bénéfices. Les choses peuvent vite changer.